Au nom de la République
J’ouvre ce blog de réflexions politiques avec un coup de sang face à une polémique qui m’agace à plus d’un titre. Tandis que notre identité devrait toujours allier « liberté, égalité, fraternité, des droits pour tous, et le respect pour chacun » (Twinterview de François Bayrou, le 9 juin 2011), je trouve la série de débats actuels dangereux pour la République.
Ce 14 juillet, le dernier du quinquennat du Président Nicolas Sarkozy, a vu naître une nouvelle polémique, reflet du climat en vogue dans l’Hexagone.
Mme Eva Joly, candidate intronisée par le mouvement Europe Ecologie-Les Verts pour la prochaine échéance présidentielle, a formulé le voeu de voir « remplacer ce défilé [militaire] par un défilé citoyen où nous verrions les enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d’être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent. »
Les réactions à droite ont une nouvelle fois flirté dangereusement avec les idées vantées par l’extrême-droite.
Monsieur Lionnel Luca, député UMP (de la « Droite Populaire ») de la circonscription de Cagnes-sur-Mer et ses alentours, dans les Alpes Maritimes, a déclaré : « Ce serait bien qu’elle apprenne l’histoire de France, je pense que cela lui serait utile. »
Sur son compte Twitter, son collègue de Haute-Savoie, Lionel Tardy, de l’UMP également, de renchérir : « Il est temps pour elle de retourner en Norvège ! »
Sans oublier la « colère » du Premier Ministre, qui se félicite de la polémique ainsi créée…
Or, ce qui me semble grave dans cette histoire, ce n’est pas tant la proposition en elle-même, qui relève plus d’une sorte de vision simpliste de la société où l’armée serait forcément « la force militariste, autoritaire,méchante » et le pacifiste « la force du gentil ». Combien de cas montrerait le contraire ?
Comme le rappelle Olivier Henno, chargé de la Sécurité dans le Shadow Cabinet du MoDem, cette proposition est absurde :
« Ce défilé, commémorant celui du 14 juillet 1790, n’est pas un défilé militariste mais une référence à l’histoire. Cette référence est celle à la Fête de la fédération, fête qui vît le Roi prêter serment à la Nation et à la Loi. La fête Nationale française n’est pas une référence à un événement militaire, mais une référence à une soumission du pouvoir à la loi.
S’il s’agissait d’ouvrir le défilé à certains corps de la fonction publique, chose déjà faite avec la police ou les pompiers, certaines propositions pourraient être plus judicieuses. Les défilés de jeunesse réveillent des images sombres. »
En revanche, ce qui est choquant, c’est la manière dont des responsables républicains, et non des moindres, se sont engouffrés dans la brèche pour attaquer la binationalité de la candidate écologiste et surtout remettre en cause sa « qualité » de citoyenne française à part entière.
Une fois de plus, l’étranger, qu’il soit naturalisé ou non, est présenté comme la source de ce qui n’irait pas en France, face à « une » culture française ancienne, ancrée dans les veines d’un groupe dont je n’arrive pas à définir les contours exacts…mais qui évoque des souvenirs nauséabonds.
Cette remise en question de l’appartenance possible à deux cultures différentes est un non-sens dans le monde en mouvement dans lequel nous vivons.
Qui, comme le rappelait François Bayrou dans une interview récente, ne s’offusquerait pas à ce qu’un parent, expatrié pour différentes raisons (ce qui devient assez fréquent de nos jours) ait à choisir entre offrir la nationalité française à son propre enfant ou celle du lieu dans lequel ils grandissent dorénavant et pour un temps souvent limité ? Comment ne pas accepter qu’un couple aux origines différentes ne puisse pas donner cette richesse en héritage à ses enfants ? Sans compter sur les incompatibilités avec tous les Etats où le droit ne permet pas de choisir…
Que croit-on ? Si un jour que nul ne souhaite, une guerre devait engager la France avec un pays dont un de nos citoyens partage aussi l’origine, qu’il ne soit que Français ou qu’il ait conservé les deux nationalités, ne serait-il pas autant embarrassé à devoir entrer dans ce conflit ?
Le fond du débat est une dérive claire des idéaux républicains dont l’une des principales, l’égalité. C’est un coup porté à la lutte contre les discriminations, un message violent envoyé à ceux qui rêvent d’intégration et qui jour après jour subisse le diktat de ceux qui ne la veule pas. Enfin, c’est une erreur honteuse de stratégie.
Espérons que 2012 pourra refermer la parenthèse des braises attisées de la peur de l’Autre qui dans l’Histoire n’a jamais donné de bons fruits.
En attendant les commentaires…